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HISTOIRE DE MARIE READ

Dans « Histoire des Pirates Anglais » De charles Johnson 1744

Nous allons présentement faire le récit d’une histoire pleine d’incidents extraordinaires, & dont les aventures peu communes pourraient passer dans l’esprit de plusieurs pour des fictions, ou pour un Roman sait à plaisir, si la vérité n’eût été avérée par mille témoins qui furent présents au procès intenté contre Marie Read & Anne Bonny, qui sont les femmes Pirates dont je vais décrire la vie.

Ce fut ce procès qui les détermina à découvrir leur sexe, & c’est par ce procès que les habitants de la Jamaïque furent instruit de toutes les particularités de leur histoires aussi véritable, qu’il est vrai qu’il y a eu des hommes dans le monde tels que les Pirates Black-beard & Stede Bonnet.

Marie Read naquit en Angleterre; sa mère se maria fort jeune a un homme de mer, qui la quitta bientôt après pour entreprendre un voyage, laissant sa femme enceinte d’un fils dont elle accoucha ensuite. Soit que le mari mourut en chemin, soit qu’il fit naufrage, elle n’en reçut aucune nouvelle; c’est pourquoi comme elle était jeune & galante, elle s’ennuya bientôt de n’être ni femme ni veuve, & échoua contre l’écueil où tant d’autres échouent, c’est‑à‑dire qu’elle devint de nouveau grosse. Elle avait une assez bonne réputation parmi ses voisins, & pour se la conserver, elle résolut de prendre congé dans les formes de tous les parents de son mari, sous prétexte de se retirer à la campagne pour y vivre parmi les siens propres. Elle partit en effet avec son fils qui n’avait pas encore un an. Ce fils mourut peu après son départ, & sa grossesse étant parvenue au terme. Elle mit au monde une fille, qui est notre Marie Read.

La mère vécut dans sa retraite pendant quatre ans, jusqu’à ce que n’ayant plus d’argent, elle songea à retourner à Londres, & sachant que la belle-mère était en état de l’assister, elle résolut de métamorphoser sa fille, & d’en faire un garçon, pour la présenter en cette qualité à sa belle-mère, & la faire passer pour le fils de son mari. 

Quoique la chose ne fut pas fort facile, & qu’i1 s’agissait de tromper une vieille femme elle hasarda le paquet, & réussit si bien que la veille mère voulut la garder & l’élever ; mais la mère n’y voulut pas consentir: je ne pourrais, dit‑elle, me résoudre à me séparer de mon cher fils ; de sorte qu’ils conclurent que l’enfant resterait près de la mère, & que la grand mère fournirait un écu par semaine pour sa subsistance.

La mère ayant ainsi gagné cet article, elle continua de l’élever comme un garçon. La fille étant venue à un certain âge la mère trouva à propos de lui découvrir le secret de sa naissance, & lui conseilla de cacher son sexe. La grand-mère vint, à mourir dans ce temps‑la, ce qui fit cesser tout d’un coup la subsistance qui venait par ce canal, & les réduisit à la misère C’est pourquoi elle résolut de mettre sa fille qui avoir déjà atteint l’âge de 13 ans, au service d’une Dame en qualité de Valet de pied. Elle n’y resta pas longtemps mais devenant forte & hardie, & se sentant une inclination au brigandage, elle s’engagea sur un Vaisseau de Guerre, où elle servir quelque temps; puis quitta ce service, & Vint en Flandres, où elle prit parti dans un Régiment d’infanterie en qualité de Cadet & quoique dans toutes les occasions, elle se comporta avec toute la bravoure imaginable, elle ne put néanmoins obtenir aucun avancement; c’est pourquoi elle quitta l’Infanterie pour se mettre dans la Cavalerie, où elle fit de si belles actions, qu’elle acquit généralement l’estime de tous ses Officiers. Pendant qu’elle faisait de si beaux progrès dans l‘Ecole de Mars, Venus vint lui rendre une visite, elle devint éperdument amoureuse d’un Flamand, beau garçon, qui était son Compagnon. Depuis ce temps‑là, elle fut moins sensible aux charmes de la guerre, ses armes qu’elle avait toujours eu soin de tenir propres furent négligées, elle ne courait plus avec le même zèle aux devoirs de sa charge, que lorsqu’il s’agissait d’accompagner son cher Amant, aussi ne manqua t’elle jamais de le suivre dans tous les partis où il était commandé, & s’exposa souvent au danger de périr, sans autre raison que pour être près de lui. Les troupes n’avaient garde de deviner la cause secrète qui la faisait agir ainsi, son Compagnon même ne pouvait comprendre le sujet de ces étranges dispositions ; mais l’amour est ingénieux, elle le tira bientôt de son erreur. Un jour qu’ils étaient ensemble sous leur tente, elle trouva moyen de lui découvrir son sexe, sans qu’il parût qu’elle y avait contribué.

II fut extrêmement surpris de cette découverte, & s’applaudit en soi‑même d’avoir trouve une maîtresse qui ne serait que pour lui, ce qui était peu ordinaire dans une armée mais il se vit fort éloigné de son compte, car il la trouva si réservée & modeste, que malgré plusieurs tentatives, il ne put jamais rien gagner. Elle résista à toutes les attaques avec tant de courage, & sa conduite était d’ailleurs si obligeante envers lui, qu’il quitta le dessein qu’il avoir conçu d’en faire une maîtresse, & résolut au contraire d’en faire sa femme.

C’était ce qu’elle souhaitait de tout son cœur; ils s’engagèrent enfin, & sitôt que le Régiment fut entré en quartier d’hiver, elle acheta des habits convenables à son sexe, après quoi ils se marièrent publiquement.

Le Mariage de ces deux Cavaliers fit grand bruit, plusieurs Officiers eurent la curiosité d’y assister, & convinrent entre eux que chacun leur ferait quelque présent pour les aider à se mettre en ménage, en considération de ce qu’ils avaient été leurs Compagnons de guerre. Ils sollicitèrent ensuite leur congé pour chercher quelque établissement plus solide, ce qu’ils obtinrent facilement ; après quoi ils louèrent une maison près du Château de Breda pour y tenir ordinaire. L’aventure de leurs amours & de leur mariage leur attira beaucoup de pratique, & la plupart des Officiers de la garnison y allèrent dîner régulièrement.

Mais ce bonheur ne dura pas longtemps ; son mari mourut bientôt après, & la paix de Ryfroick étant survenue, les garnirons ne furent plus si nombreuses à Breda, par conséquent le nombre des Officiers diminua considérablement ; de sorte que la veuve n’eut plus rien à faire.

Le peu qu’elle avait pût ramasser fut bientôt dépensé ce qui l’obligea de quitter le ménage. Dans cette extrémité, elle résolut de s’habiller de nouveau en homme: elle partit pour la Hollande, où elle s’engagea dans un Régiment d’Infanterie qui était en garnison dans une des places frontières ; mais la paix ne fournissant aucune occasion pour espérer quelque avancement, elle prit la résolution d’abandonner le Régiment, & de chercher fortune ailleurs. Pout cet effet, elle s’embarqua fur un Vaisseau destiné pour les Indes Occidentales.

Il arriva que ce Vaisseau fut pris par des Pirates Anglais, qui le laissèrent aller après l’avoir pillé; mais Marie Read qui était le seul Anglais de la troupe fut gardée parmi eux.

Quelque temps après on publia dans toutes les Places des Indes Occidentales la Proclamation du Roi, qui pardonnait à tous les Pirates qui se soumettraient dans un certain temps limité par cette Proclamation. Tous ceux de la troupe dans laquelle, se trouvait Marie Read, acceptèrent le pardon, & se retirèrent dans quelque endroit pour y vivre tranquillement. L’argent leur manqua bientôt, & sur la nouvelle qu’ils apprirent que le Capitaine Woods, Gouverneur de la Providence, équipait des Armateurs pour croiser contre les Espagnols, Marie Read avec plusieurs autres, s’embarquèrent pour cette Ile, dans le dessein de prendre parti avec eux, bien résolus de faire fortune par quelque voie que ce‑fut.

Suite: Marie Read 2